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Aspects juridiques de la cote de sécurité des détenus

par Ginette Collin1

Conseillère juridique, Services juridiques, Service correctionnel du Canada, région du Québec

L'une des premières décisions prises à l'égard d'un détenu admis dans un établissement fédéral est l'assignation de sa cote de sécurité. Cette procédure d'assignation se poursuit tout au long de la peine du détenu.

Cet article examine les fondements juridiques de l'assignation de la cote de sécurité et décrit les facteurs à prendre en compte. Il explore la procédure décisionnelle du Service correctionnel du Canada lors de cette assignation ainsi que les principales difficultés qui y sont associées.

Fondements juridiques

L'article 30 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, adoptée en 1992, prévoit que le Service correctionnel du Canada assigne une cote de sécurité selon les catégories dites maximale, moyenne et minimale à chaque détenu conformément aux règlements d'application.

Selon l'article 18 du Règlement d'application, le Service assigne la cote de sécurité à chaque détenu en fonction de l'évaluation du risque d'évasion que le détenu présente, de la menace qu'il constitue pour la sécurité du public et du degré de surveillance et de contrôle qu'il exige à l'intérieur du pénitencier. Les détenus se voient assigner la cote de sécurité la plus basse -- basée sur une évaluation de ces trois principaux critères -- qui saura répondre à leurs besoins particuliers.

La Directive du Commissaire no 505, Cote de sécurité des détenus, précise de plus que le détenu est normalement placé dans un établissement dont le niveau de sécurité peut lui permettre de bénéficier de programmes et de privilèges compatibles avec la cote de sécurité qui lui est assignée. La Cour fédérale a établi dans le cadre d'une affaire2 où le détenu ayant une cote de sécurité maximale avait été placé à l'Unité spéciale de détention (sécurité maximale élevée) que la cote de sécurité d'un détenu n'identifie pas nécessairement l'établissement.

Facteurs à prendre en compte

Le Règlement d'application prévoit à son article 17 que le service détermine la cote de sécurité à assigner en tenant compte des facteurs suivants :

  • la gravité de l'infraction commise par le détenu;
  • toute accusation en instance contre lui;
  • son rendement et sa conduite pendant qu'il purge sa peine;
  • ses antécédents sociaux et criminels, y compris ses antécédents comme jeune contrevenant s'ils sont disponsibles;
  • toute maladie mentale ou physique ou tout trouble mental dont il souffre;
  • sa propension à la violence;
  • son implication continue dans des activités criminelles.

Ces facteurs doivent être considérés par le Service correctionnel du Canada non seulement au moment de l'évaluation initiale du détenu, mais aussi par la suite, lorsque le Service fait la révision de la cote au moins une fois par année ou avant de prendre une décision (par exemple, pour un transfèrement, une permission de sortir ou un placement à l'extérieur).

Les directives du Commissaire précisent de temps à autre certains éléments qui seront pris en considération dans l'examen de ces facteurs. Citons notamment :

  • le paragraphe 8 de la Directive du Commissaire no 505 qui spécifie que dans toute décision relative à un transfèrement dans un établissement à sécurité moins élevée et à une mise en liberté sous condition, les antécédents du détenu concernant la consommation de substances intoxicantes et les résultats des analyses d'urine seront pris en compte;
  • les paragraphes 20 et 21 de la Directive du Commissaire no 576, Gestion des membres et des associés de gangs et d'organisations criminelles, qui a récemment été adoptée et qui mentionne que le Service doit tenir compte des risques que présentent les détenus considérés comme des membres ou des associés de gangs ou d'organisations criminelles lors de l'établissement de leur cote de sécurité.

Procédure décisionnelle

C'est le directeur d'établissement qui a le pouvoir d'autoriser la cote de sécurité initiale et toute modification subséquente selon le paragraphe 2 de la Directive du Commissaire no 505. Ce pouvoir peut être délégué au sous-directeur selon cette même Directive.

La Loi précise au paragraphe 30(2) que le Service correctionnel du Canada doit donner, par écrit, à chaque détenu les motifs à l'appui de l'assignation d'une cote de sécurité ou du changement de celle-ci. La même Directive no 505 spécifie que les motifs à l'appui de la décision doivent être donnés dans les cinq jours ouvrables suivant l'assignation ou le changement. Le Service est également tenu d'informer le détenu de son droit de solliciter un redressement par l'entremise du processus de grief des détenus.

Récemment, cette procédure décisionnelle a fait l'objet d'une contestation judiciaire dans le cadre d'une requête pour l'émission d'un bref d'habeas corpus. Dans cette affaire3, la cote de sécurité du requérant avait été changée de moyenne à maximale. Dans les cinq jours ouvrables suivant ce changement, le requérant a reçu un avis de modification de sa cote de sécurité de même qu'un avis de transfèrement non sollicité. Le procureur du requérant a contesté par écrit le transfèrement en question vers un établissement à sécurité maximale. Le Directeur de l'établissement de départ a confirmé le maintien de la recommandation de transfèrement non sollicité et, par la suite, le Directeur du Centre régional de réception4 a autorisé le transfèrement du requérant à un pénitencier à sécurité maximale. Le requérant a notamment soutenu que la décision relative à son transfèrement dans un établissement à sécurité maximale a été prise par le Directeur du Centre régional de réception qui n'aurait pas exercé sa juridiction en ne statuant pas sur le bien-fondé de la décision d'augmenter sa cote de sécurité.

Dans sa décision en date du 8 août 1996 (actuellement en appel), l'Honorable juge Louis De Blois, après avoir examiné les dispositions pertinentes de la Loi, du Règlement et des Directives du Commissaire, a indiqué qu'il est noté nulle part dans la Loi que la procédure décisionnelle quant à la cote de sécurité doit être exercé à différents paliers par le Service correctionnel du Canada. La Cour a donc rejeté l'argument du requérant et a conclu comme suit :

&laqno;Le Directeur du Centre régional de réception ne peut s'arroger les pouvoirs de siéger en appel de la décision du directeur d'établissement à qui est confié exclusivement le pouvoir d'autoriser la cote de sécurité initiale ainsi que sa modification subséquente. Les pouvoirs et les prérogatives de chacun des organismes, décrits à la Loi de même qu'aux Directives du Commissaire, sont clairement établis et, en l'espèce, ont été rigoureusement suivis.»

La Cour a aussi remarqué que le requérant dans cette affaire n'avait pas jugé opportun de contester la modification de sa cote de sécurité par la voie appropriée, c'est-à-dire par des griefs, et qu'en conséquence ce dernier ne pouvait prétendre à l'habeas corpus pour court-circuiter la procédure bien établie.

Cette affaire illustre le rôle des différents décideurs qui interviennent lorsque, à la suite d'une modification de la cote de sécurité, une procédure de transfèrement non sollicitée est amorcée. La Directive du Commissaire no 540, qui décrit les normes relatives aux transfèrements de détenus, prévoit incidemment à son annexe A que, lorsqu'il évalue le pour et le contre d'un transfèrement, le décideur doit tenir compte des normes de comportement énoncées à l'article 28 de la Loi et dans la Directive du Commissaire no 006, Classification des établissements, de même que de l'exigence d'assigner aux détenus une cote de sécurité.

On constate donc que, bien que le décideur en matière de transfèrement ne soit pas autorisé à modifier la cote de sécurité préalablement établie par le Directeur de l'établissement de départ, il doit quand même en tenir compte, parmi les autres éléments mentionnés à la Directive du Commissaire, afin de rendre sa décision finale. Cette exigence met en lumière l'importance, pour les différents intervenants du Service correctionnel du Canada, d'appliquer les mêmes critères de façon constante et uniforme lors de l'établissement ou de la modification de la cote de sécurité.

D'autres difficultés peuvent survenir lors de la première évaluation de la cote de sécurité du détenu nouvellement arrivé dans le système correctionnel fédéral. En effet, il arrive que les agents qui aient à évaluer la cote de sécurité d'un détenu possèdent peu de faits ou d'antécédents sur lesquels se baser pour évaluer le risque que représente l'individu. Par contre, si le détenu a déjà eu une sentence, des renseignements seront consignés à son dossier et faciliteront l'évaluation de la cote de sécurité.

L'assignation d'une cote de sécurité aux détenus n'est pas une science exacte; cependant, des critères objectifs ont été établis dans le Règlement d'application afin de permettre au Service de procéder à l'attribution d'une cote de sécurité qui corresponde au comportement du détenu et au risque que ce dernier présente. Dans la mesure où ces critères sont respectés et où les décisions sont justifiées en fonction de ces critères, les tribunaux n'interviendront pas dans le cadre de ces décisions administratives, sauf si les décideurs violent le devoir d'agir équitablement ou commettent une injustice grave.

Le devoir d'agir équitablement sera rempli dans la mesure où le Service suit rigoureusement toutes les procédures prévues dans la Loi et le Règlement d'application relativement à la procédure décisionnelle et que par ailleurs tous les motifs essentiels à l'appui de la décision sont communiqués au détenu.


1. 3, Place Laval, Bureau 200, 2e étage, Laval (Québec) H7N 1A2.

2. Shawn Murray c. S.H.U. National Review Board Committee of the Correctional Service of Canada et Michel Deslauriers (Cour fédérale : T-3002-94, Division de première instance ; décision en date du 22 septembre 1995).

3. Jacques Nepveu c. P.-A. Beaudry, J. Dyotte, M. Gilbert, J.-C. Perron et le Procureur général du Canada (Cour Supérieure du Québec : 200-36-000306-969 - jugement inédit en date du 8 août 1996).

4. Au Québec, le Directeur du Centre régional de réception est le décideur compétent pour autoriser les transfèrements à l'intérieur de sa région selon le paragraphe 5 de la Directive du Commissaire no 540, Transfèrements de détenus.